AIDANTS
Aidants : comment accompagner le deuil d’un parent âgé ?
Qu’est-ce que le deuil ?
Christophe Fauré, psychiatre, psychothérapeute et auteur de Vivre le deuil au jour le jour :
Nous avons souvent une vision complètement déformée de ce qu’est le deuil, sans savoir ce que cela signifie exactement. La perte d’un être cher provoque en nous une blessure profonde que l’intelligence de notre esprit va œuvrer à cicatriser. Le processus de deuil peut prendre des années et il est inconscient. Nous n’en avons pas le contrôle, de la même manière qu’on ne maîtrise pas le processus de cicatrisation d’une plaie physique. Chaque personne aura une façon unique de vivre son deuil. Même s’il est universel, le deuil est aussi l’expression d’un sentiment de solitude extrême car rien ni personne ne peut comprendre ce que l’on ressent. La douleur ne se partage pas, même au sein d’une famille.
Y a-t-il une particularité du deuil chez la personne âgée ?
Chez la personne âgée, le deuil entraîne parfois un vide immense. Une personne âgée de 70 ou 80 ans qui perd son conjoint sera souvent en référence au passé, et n’a pas les moyens psychiques de se projeter vers l’avenir. Il faut simplement se montrer patient et compréhensif. Faire attention aussi à la santé de son proche âgé. Le premier vécu du deuil est la fatigue physique et morale car tout en nous est en mouvement lors du processus de deuil. Les personnes ayant perdu un proche sont épuisées et ont tendance à moins prendre soin d’elles. Il faut être vigilant à la qualité de l’activité physique, de l’alimentation, du sommeil. Quand il y a des pathologies préexistantes, notamment cardio-vasculaires, elles peuvent s’aggraver dans les premiers temps du deuil. Parce que le suivi est interrompu, que la personne en deuil ne prend plus son traitement. Il faut donc maintenir le lien avec le médecin traitant, proposer à son parent âgé d’aller marcher, etc.
Quelles sont ces étapes du deuil ?
Chaque personne endeuillée traverse généralement 4 étapes du deuil :
- La première étape du deuil est celle de la sidération. Elle nous plonge après le décès d’un proche, surtout lorsqu’il est brutal, dans un état de choc, de refus de croire à ce qui vient de se passer. La personne est parfois dans le déni, continue de mettre une assiette à table pour la personne décédée. Une attitude déconcertante pour l’entourage, mais tout à fait normale.
- La deuxième étape du deuil est celle de la fuite-recherche. Deux mouvements simultanés et complémentaires. De fuite, comme si l’on pouvait éviter de souffrir en cachant les photos de la personne décédée, en sortant tous les soirs pour ne plus y penser. Ou au contraire, de recherche pour maintenir la relation avec le défunt en mettant des photos partout, en lui parlant à voix haute ou en respirant l’odeur de ses vêtements.
- La troisième phase est celle de la déstructuration. Le temps passe, mais on se sent plus mal encore. C’est le vécu du deuil le plus âpre, le plus difficile. Si on ne connaît pas cette étape de « vécu dépressif », qui survient entre 8 à 10 mois après le décès, on peut se dire qu’on ne s’en sortira jamais. La place des proches est importante car c’est surtout à ce moment-là que la personne endeuillée aura le plus besoin de soutien. Bien plus que dans les premières semaines après le décès.
- La quatrième et dernière étape est celle de la restructuration. La souffrance est moins grande, on se surprend à rire, à aimer de nouveau, sans avoir l’impression de trahir la personne disparue.
Combien de temps dure le deuil ?
Certaines personnes s’attendent à moins souffrir au bout de 6 mois à un an alors qu’ils ont passé parfois plus de 30 ans avec la personne aimée ! Notre société est parfois dure, avec l’idée qu’il faut vite sortir de la tristesse alors que le temps du deuil peut durer des années. Selon moi, le deuil pathologique n’existe pas. Ce n’est pas parce que l’on ressent moralement et physiquement la perte d’un proche que cela est anormal ou qu’il faut courir chez un psy. La vraie dépression est rare chez les endeuillés. C’est normal de toucher le fond, de pleurer beaucoup et de ne plus savoir comment faire. Connaître ces étapes permet de mieux prendre soin de soi ou de mieux accompagner un proche en deuil. Dire à sa mère : « Allez, ça fait un an que papa est parti, ça devrait aller mieux maintenant », tout comme l’expression « Faire son deuil » n’a pas de sens. C’est même d’une extrême violence pour celle qui a perdu la personne avec laquelle elle a passé une partie de sa vie et avec laquelle elle s’est construite. D’où l’importance de connaître ce processus normal de deuil, naturel et long, pour éviter les maladresses.
Comment accompagner un proche âgé en deuil ?
Parler du défunt est important. Un monsieur de 70 ans avait perdu sa femme un an auparavant et avait demandé à ses enfants de venir chez lui pour se réunir. Toute la journée, personne n’a prononcé le nom de cette femme décédée et ce non-dit a été épouvantable pour lui. Son besoin était simplement de porter un toast en hommage à sa femme et à leur maman. Accompagner une personne en deuil n’est pas simple, mais je conseille aux proches d’oser parler des personnes décédées, d’évoquer les souvenirs heureux. Se taire de peur de créer un malaise ou de la souffrance est souvent bien plus douloureux pour celui qui reste. Cet homme de 70 ans pense à sa femme tous les jours ! En parler peut amener des émotions chez la personne en deuil, les larmes peuvent couler, mais ce n’est pas grave. Pleurer est aussi utile et nécessaire. Il faut donc parler et se montrer présent, à l’écoute, tout simplement. Évoquer l’importance de ceux qui restent peut être utile, mais à manier avec prudence. Combien de fois ai-je entendu dans l’intimité du cabinet : « Je m’occupe de mes petits-enfants, mais vous savez je m’en fiche, quand ils partent, je me retrouve seule ». Il ne faut pas hésiter à dire : « Je sais que c’est dur, ne pense pas que j’attends de toi que tu sois comblée en étant grand-mère alors que tu as perdu papa », cela peut être réconfortant.
Perdre son père et accompagner la souffrance de sa mère : comment faire ?
Très souvent, le parent en deuil va se replier sur sa propre souffrance et ne pas tenir compte de celle de ses enfants. Une dame âgée disait par exemple : « Ok, vous avez perdu votre papa, mais moi, j’ai perdu mon mari ». Sous-entendu, c’est bien pire. Beaucoup d’enfants ne se sentent pas pris en compte dans leur propre souffrance, ils se retrouvent à accompagner leur parent, mais personne ne les aide. Pour eux, le soutien ne sera pas à chercher auprès de leur parent en deuil, mais de leurs conjoints, de leurs amis.
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